
Interview sur le chamanisme
(Aksanti n°1 - septembre 2005) D'où vous est venu cet intérêt pour le chamanisme ? En fait, je ne m'y suis jamais intéressé ! J'ai surtout été victime d'un accident de ski pour lequel la médecine classique s'est avérée totalement incompétente. Au fil des semaines, plus les toubibs intervenaient, plus mon état empirait. C'est atteint de paralysie partielle que je me suis enfui de l'hôpital. J'ai alors fait tout un parcours initiatique vers la guérison, au cours duquel ma conscience s'est élargie, d'autres états de consciences se sont ouverts à moi, et j'ai développé des compétences de chaman-guérisseur ("chirurgien des âmes", pour reprendre les termes de mon Guide).
Tout le monde peut-il "apprendre" ces compétences ? Tout le monde peut faire un chemin d'expansion de conscience ; tout le monde peut transformer son regard sur le monde, en s'inspirant de l'approche animiste des traditions chamaniques (par exemple), tout le monde peut accroître la perception de sa propre présence, en entrant en rapport toujours plus intime avec soi et avec le monde. Mais tout le monde n'est pas destiné à être chaman. On ne peut d'ailleurs pas le devenir : on l'est déjà à la naissance (probablement même avant….). On est prédisposé. S'ensuit un fait, un événement, un jour, qui déclenche tout un processus de prise de conscience, de transformation profonde de la personne, qui va passer par sa mort psychique, un sorte de destruction totale et radicale de son édifice psychique, pour l'éveiller à "autre chose". C'est extrêmement douloureux, je ne souhaite cela à personne. Pour l'avoir vécu, je pense que toute personne qui veut devenir chaman fait surtout une crise d'ego. Les rares personnes que j'ai rencontrées qui était "prédisposée" ne demandaient rien, et on beaucoup souffert des exigences auxquelles le parcours les a confrontées par la suite. Je pense qu'il faut se méfier de quiconque vend du chamanisme à tout-va, par appât du gain ou par effet de mode. En quoi votre vision du monde a-t-elle changé ? Avant, je me considérais comme un individu qui faisait son chemin en victime naïve des événements, des situations, auxquels le quotidien le confrontait. J'étais en lien "horizontal" avec le monde qui m'entourait, point. Aujourd'hui, j'ai une conscience de plus en plus accrue de ce que mon âme tente de réaliser au travers de cette incarnation. Je me sens relié "verticalement" à l'Esprit (à la Conscience Universelle, à Dieu - on appelle ça comme on veut….) qui me guide afin de réaliser de mon mieux les desseins de mon âme. Le monde est devenu le terrain de révélation de ma progression, pas à pas. Il est le miroir qui me renvoie au monde intérieur qui m'habite, sans concession. En quoi cela peut-il aider quelqu'un qui vient vous consulter ? Par le biais de transe médiumnique, je m'identifie à la personne, à son parcours, à ses difficultés. J'ai accès à tout son vécu émotionnel, et aux difficultés que rencontre son âme pour avancer. Ce que je vois, la source des difficultés, est souvent bien éloigné de la conscience que les gens en ont et des explications psychologiques qu'ils en donnent. J'éclaire alors leur parcours d'un regard différent. Par ailleurs, j'ai la capacité de remettre en mouvement le flux d'énergie de vie qui s'est figé à l'endroit des traumatismes psychologiques et des cristallisations énergétiques dues aux émotions refoulées. Ce faisant, cela reconnecte la personne aux forces vitales de l'univers (c'est d'ailleurs très souvent parce qu'ils sont déconnectés que les gens finissent dans un cul-de-sac et ont l'impression de stagner dans leur évolution). Comment voyez vous votre futur ? Comme une fraction de seconde que je n'aurai pas vue passer, au seuil de la mort. C'est pourquoi je fais tout ce que je peux pour jouir le plus intensément possible des précieuses minutes qui égrènent le temps qui passe… |
Chamanisme et psychanalyse
(Aksanti n°6 - 2008) Dans cet article, je vous propose d’aborder le chamanisme par le regard de la psychanalyse. Pour commencer, comment fonctionne l’homme ? Le CA, le MOI, le SUR MOI et le Soi Petits rappels freudiens et jungiens. Le destin cosmique de l’homme est de grandir en conscience, en transformant de l’énergie matérielle (nourriture) en énergie psychique.
Chaque être humain, au moment de son incarnation, est avant tout un réservoir colossal d’énergie de Vie – comparable au Ca freudien. Jour après jour, il va devoir harmoniser la manifestation de cette Vie au travers de ses pulsions, de ses instincts, de ses besoins, de ses désirs, avec le principe de réalité qu’est la densité terrestre. La rencontre de cette manifestation libre et débridée de l’énergie avec la densité et les lois terrestres va créer des frictions qui seront vécues comme des frustrations concourant à élaborer le Moi freudien. La réponse aux besoins de conservation de la Vie n’étant pas systématique et instantanée, le Moi va grandir dans l’apprentissage de la frustration due à la réalité terrestre. Le processus de croissance de la conscience commence. Ce processus de croissance est complété par les règles de vie en société, le système éducatif, l’environnement socioculturel, la religion,… qui va constituer le Sur Moi freudien : outre la réalité de la densité terrestre, les règles de vie en société vont elles aussi apporter leur lot de frustrations. En résumé, mon réservoir d’énergie, ma force de Vie, va se heurter dans son expression d’une part à la réalité terrestre et d’autre part à la culture de l’humanité qui va m’enseigner ce qui est bien et ce qui est mal, ce que je peux faire et ce que je ne peux pas faire. C’est ce processus qui va m’apprendre le monde, construire mon adaptation à mon environnement. En principe, la sagesse de la communauté qui m’accueille dès la naissance devrait faire en sorte que cette adaptation à ma nouvelle nature (d’être incarné sur terre) se passe pour le mieux. C’est malheureusement de moins en moins le cas. Pourquoi ? Le cerveau reptilien, le cerveau mammifère, le cortex. En cours d’apprentissage, je traverse des évènements où la non réponse immédiate à mon besoin représente un danger pour ma survie, à 2 niveaux. Le premier, physique, si ayant faim je ne trouve pas de nourriture – à terme, je meurs. Le deuxième, physico-psychique, si étant frustré, je n’arrive pas à dissiper l’énergie contenue dans l’émotion qui naît de ma frustration – elle va stagner et dégrader peu à peu ma vitalité (au sens large). Exemple : Prenons une proie en prise avec un prédateur. Une colossale quantité d’énergie est produite afin de garantir sa survie et delà, la pérennité de la Vie. Face à l’ennemi, trois possibilités : - l’attaque - la fuite - la paralysie Dans les deux premiers cas, l’énergie est utilisée, consommée. Dans le troisième, elle est bloquée : un pied sur le frein, l’autre sur l’accélérateur. Je suis tout en tension à la périphérie du corps et totalement anesthésié de mon ressenti intérieur : si l’autre me croque, même pas mal – la nature est bien faite ! Si le prédateur dédaigne une proie apparemment morte et qu’il s’en va, dans les secondes suivantes, je vais lâcher le frein, et bondir de toute mon énergie retenue, les gaz à fond : sauts de cabri dans tous les sens !!! Ça, c’est ce qu’à prévu notre cerveau reptilien depuis l’époque des âges farouches. Malheureusement, nous avons développé notre cortex et notre capacité à réguler et censurer nos réactions instinctives et l’expression de nos émotions. Dans notre apprentissage à faire face à la frustration, on nous entraîne à postposer la réponse à notre besoin/désir. C’est une des fantastiques possibilités de l’homme grâce à son cortex et sa capacité inhibitrice. Malheureusement, on nous invite rarement à revenir sur nos frustrations pour terminer le processus en cours, c’est-à-dire libérer l’énergie retenue jusqu’à lors et ainsi éviter le refoulement. Un peu comme si on privait la proie de ses sauts de cabri salvateurs, ce qui aurait pour effet de maintenir en elle une part d’anesthésie, de figement, de mort. Très rapidement, pour raison de paix collective, on fait tout pour ne pas nous laisser la place pour exprimer notre frustration. Plus la culture d’une société est grande, plus son niveau de civilisation est élevé, moins il y de la place pour l’expression des émotions résultant de ma frustration. A chaque fois que je rencontre un évènement à l’issue duquel je ne peux pas dissiper mon énergie (exprimer mon émotion), celle-ci s’installe en moi. En même temps, en fonction de la qualité de l’émotion refoulée, un sens, une interprétation sont donnés à l’événement. C’est cela qui construit progressivement ma représentation subjective intérieure du monde. Plus cette image, cette représentation se construit et se complexifie en raison des émotions refoulées, plus elle m’éloigne de la réalité énergétique de la Vie. Vu que c’est l’environnement socioculturel qui est responsable de la privation de l’expression de mon émotion, il agit comme un système d’exploitation informatique et me formate dans son langage propre afin que je puisse interagir correctement avec le reste du monde. Ainsi, je deviens prisonnier d’une interprétation collective qui me tient de plus en plus loin de la réalité énergétique du monde. Pourtant, une part de moi comptabilise toutes les doses d’énergies non dissipées. Cette part de moi, écologique, cherche à faire le ménage dès qu’elle en a l’occasion. Ainsi, inconsciemment, elle va s’arranger pour recréer la situation dans laquelle j’ai échoué afin d’avoir une deuxième chance pour dissiper toute l’énergie cristallisée en moi et, ainsi, faire un «reset» sur les parts d’anesthésie, de figement, de mort… accumulées. On peut dire cela encore autrement : d’un point de vue purement physique, action égale réaction. Toute tension en moi va générer de la tension dans mon interaction avec le monde. Ainsi, tout chaos intérieur (même refoulé et inconscient) va appeler, partout où je me trouve, une réponse chaotique de l’extérieur. Ce désagrément devrait - au bout d’un temps plus ou moins long et dépendant de ma volonté de subir en victime ou d’agir en responsable - me pousser à désirer mieux pour moi, plus confortable, plus paisible, plus fluide. D’autant que si je ne m’occupe pas de toutes ces parts d’énergie refoulée, de tous ces chaos intérieurs, de toutes ces petites morts, tout mon être va finir par me le rappeler par tous les moyens, allant de désagrément psychologique à l’accident ou la maladie graves. En revanche toute paix réinstaurée en moi va générer de la paix dans mon interaction avec le monde. Malheureusement, une autre part de moi cherche à garantir ma survie en évitant de me confronter à toute situation inconnue, l’inconnu contenant en soi en permanence, potentiellement, une issue fatale. Dès lors, si j’ai survécu jusque-là, c’est que toutes mes réactions ont été salvatrices – même si certaines ont été peu élégantes ou ont manqué totalement d’écologie pour mon être. Ainsi, plutôt que de m’inventer une nouvelle issue à une situation que je connais bien, je vais choisir ce que je connais de mieux et qui a l’avantage de m’avoir maintenu en vie jusqu’à présent. Et dans certains cas, ce que je connais le mieux, c’est éviter de m’exprimer, préférant refouler l’énergie plutôt que de me mettre en danger dans une attitude nouvelle dont j’ignore la réponse que l’environnement m’opposera et qui pourrait bien m’être fatale. Ainsi, la société «moderne» dans laquelle nous vivons, nous privant de la nature saine de nos réactions instinctives pour raison de «civilisation», nous invite à sur-traumatiser et à aggraver la vision subjective et déformée de la réalité plutôt qu’à nous libérer et accéder à l’objectivité de la nature dans ce qu’elle représente comme énergie pure. C’est ainsi que l’homme est prisonnier de son passé : chaque pas qu’il croit faire vers son futur se fait dans les traces des pas laissées derrière soi. Et le chaman ? Que cherche-t-il ? C’est un guerrier qui cherche la liberté, qui tente de conquérir son futur en effaçant son passé. Mais pour s’attaquer à son passé, à sa propre histoire, il doit affronter l’inconnu. C’est-à-dire se reconfronter avec l’issue systématiquement improbable des événements dans lesquels il a, une ou plusieurs fois, échoué à dissiper son énergie. C’est ainsi qu’il choisit de se confronter quotidiennement avec la mort. Qu’est ce qui le sécurise ? L’Instinct et l’Esprit. Malheureusement, notre culture nous coupe rapidement de nos instincts, de notre animalité, et par ailleurs, les rituels religieux qu’on nous propose et par lesquels on devrait avoir la possibilité de faire l’expérience du divin, de l’Esprit, sont devenus stériles. L’instinct parle de la nature de la Vie et l’Esprit en donne le sens. Ce sens qui fait tellement défaut dans l’analyse occidentale des maladies. Selon CG Jung (et d’autres), les névroses naissent d’une perte de connexion aux instincts, mais également de manque de sens, de rituel, de connexion à l’Esprit, c’est-à-dire de nourriture pour l’âme. Le chaman, aligné entre sa connexion aux Instincts et sa relation à l’Esprit, se veut être l’artisan de la rencontre avec la totalité de lui-même. Qu’est ce qui lui permet de faire ça ? Il a une structure psychique psychotique (*) : il a donc une blessure psychique qui fait de lui un dissocié. Mais contrairement aux psychotiques habituels, il a une constitution telle qu’il est maître de sa folie et qu’il l’utilise comme une arme de guerrier. Alors que le psychotique, lui, est débordé par sa blessure et erre entre deux mondes, le chaman s’y identifie, s’en laisse déborder afin de pouvoir l’exprimer totalement et ainsi dissiper l’énergie cristallisée dans ses tissus. (*) Au fil du temps, les auteurs qui se sont penchés sur la nature psychique du chaman l’ont d’abord décrit comme un psychotique pour arriver à une définition qui fait relativement l’unanimité, à savoir qu’il serait un expert en crises d’hystérie dissociative «contrôlées». C’est donc un être à part qui vit des états psychiques extrêmes tout en restant structuré, agissant et aidant pour ses pairs, là où tout être normal vivant le même état psychique serait déstructuré, à la dérive et dans le besoin d’aide de ses pairs. C’est au nom de ces raisons que CG Jung a dit : seul un chaman est capable de descendre seul dans son ombre et d’en ressortir indemne. Lui-même, bien qu’ayant présenté tous ses travaux sous une forme scientifique, avait une nature de chaman pour s’être aventuré de la sorte dans son auto-découverte par les rêves. Voici ce qu’en pense Juan Ruiz Naupari, chaman andin. Le chamanisme essentiel (extraits) "Le chamanisme était anciennement pratiqué par une élite sacerdotale, il y a 500 ans. Ce que nous connaissons au Pérou à l’heure actuelle n’est pas le chamanisme authentique parce qu’il n’intègre plus le travail d’auto-découverte. Nous pouvons comparer le chamanisme actuel à la médecine officielle où le praticien tente de trouver une solution à la maladie à travers une substance chimique sans arriver à l’essence de la maladie. Pour le chamanisme andin, il y a trois niveaux dans lesquels se découvrir : - le monde spirituel, - le monde d’ici et maintenant, des actes et des pensées de la vie quotidienne - le monde de l’ego, le plus dense. Le chaman sait que ces trois mondes existent extérieurement et intérieurement. Les chamans modernes restent dans le deuxième monde sans aborder le thème de fond. De plus, évitant le monde supérieur du spirituel et de l’Esprit, il n’y a pas d’analyse du subconscient pour découvrir l’ego. Auparavant, il existait un chamanisme de haut niveau de conscience, basé fondamentalement sur l’auto-découverte, qui allait plus loin que ces actions de magie ou de sorcellerie qui se pratiquent communément aujourd’hui et qui n’ont rien à voir avec ce que fut le chamanisme essentiel qui existait à des époques anciennes dans tous les coins de la terre. Le chamanisme moderne a abandonné le travail psychologique et spirituel parce que cela requiert un effort. Pour aller à la recherche de l’auto-découverte et aller vers d’autres sphères spirituelles, il faut de l’énergie. Nous avons tant de tentations dans le monde physique, tant d’occupations et de préoccupations que nous nous coupons fortement de cet objectif qu’est le travail intérieur. Or il nous faut viser cet objectif et ce dessein doit être inébranlable... S'il n’y a pas cet objectif considéré comme sacré, nous mourrons sans avoir expérimenté le beau, sans avoir expérimenté l’amour. L’amour pour lequel nous sommes venus ici sur Terre. Le chaman qui ne se fixe pas cet objectif pourra voir les serpents, les jaguars, les muses, mais il ne pourra pas voir l’Essence de l’Esprit, il ne pourra par réaliser un excellent travail d’auto-découverte." Chaque émotion non dissipée se transforme en cristallisation qui freine progressivement la circulation de l’énergie vitale en nous. Peu à peu, nous perdons de l’énergie, de la vitalité, de la santé physique, psychique, spirituelle. Le chaman, effaçant peu à peu l’emprise de son passé en faisant face à la mort et à l’inconnu, dissout ses agrégats d’énergie, retrouve de plus en plus de vitalité, diminue progressivement l’emprise de l’interprétation collective subjective du monde et revient au contact de la réalité énergétique de la vie. - C’est grâce à cette capacité à «voir» la réalité qu’il peut percevoir les troubles énergétiques des ses patients. - C’est grâce à sa capacité à s’identifier totalement aux émotions dans ses crises d’hystérie dissociative qu’il peut s’identifier aux émotions refoulées de son patient et à tout son vécu. - C’est grâce à son extraordinaire vitalité, au «pouvoir» conquis en effaçant son histoire personnelle qu’il peut intervenir dans la bulle d’énergie de son patient et y opérer des changements. C’est au nom de ces raisons que ne devient pas chaman qui veut, et qu’il serait injurieux d’assimiler un pied tendre qui a fait trois week-ends de découverte du chamanisme avec un guerrier qui traque sa liberté en frôlant sa mort psycho-spirituelle jour après jour. La quête proposée par le chamanisme de se libérer du filtre subjectif de la réalité que nous impose notre histoire pourrait se définir en psychanalyse comme l’accès au Soi jungien en ayant totalement fluidifié puis dissout Moi et Sur Moi. En fait, c’est le chemin de tout homme, chaman ou non. La différence tient dans la conscience de ce chemin, de l’intention pour le faire, et des moyens pour y arriver. C’est là que la structure psychotique du chaman est un atout considérable, car là où il se laisse sombrer dans la crise en ayant foi dans l’issue (grâce à sa «folie contrôlée»), le commun des mortels est tétanisé par peur de voir sa structure psychique exploser dans l’épreuve. De ce fait, le commun des mortels parcourt ce chemin vers la liberté de manière forcée et contrainte par les évènements et les charges émotionnelles qu’il rencontre et subit, alors que les chamans vont au devant de leur destin. |
Chamanisme versus psychothérapie
(Synodies - printemps 2009) Pendant une dizaine d’année, j’ai travaillé comme psychothérapeute avec comme outil de base la PNL et l’hypnose éricksonienne, et avec comme toile de fond une expérience personnelle en psychanalyse et une certaine connaissance théorique des approches freudienne et jungienne. Au bout de dix ans, j’ai mis fin à cette forme d’aide parce que je me rendais compte que l’essentiel de l’entrevue consistait en une joute verbale avec les résistances des patients, qui systématiquement viennent en entretien avec une pancarte au cou devant disant : «Aidez-moi à changer...» et une derrière précisant «… en ne bougeant à rien!».
C’était très consommateur d’énergie psychique et peu productif. Par ailleurs, les résultats obtenus m’apparaissaient toujours superficiels et décevants. Mon parcours personnel m’ayant amené à développer une médiumnité de type chamanique ainsi qu’un rapport très particulier à l’énergétique, notamment celle ayant trait aux émotions refoulées et cristallisées dans les tissus, j’ai fini par utiliser cette capacité pour «lire» l’histoire de la personne à partir des informations contenues dans sa mémoire cellulaire ; il m’apparut vite que cette histoire-là était sensiblement différente de celle racontée par le patient, et de loin bien plus authentique. Etonnamment, il n’y eut plus de joute verbale, et plus de résistance dans la relation thérapeute-patient. Prenons un exemple : vous êtes jeune, vous êtes emballé et rêveur à l’idée de rejoindre votre meilleur ami pour un moment de détente lorsque, perdu dans vos pensées, vous vous faites violemment agresser par un chien. Bien des années après, le choc ayant été particulièrement traumatisant, vous pouvez avoir refoulé une part de l’événement – à savoir l’attaque du chien - et il ne reste de conscient qu’une croyance : être perdu dans sa rêverie est dangereux. Vous n’allez donc plus rêver, être créatif et insouciant dans votre vie. Si l’évènement a été traumatisant au point d’être refoulé et oblitéré de votre conscience, c’est qu’une part d’émotions n’a pu être libérée à l’époque et se retrouve stockée, cristallisée, quelque part dans votre corps. Si à l’époque vous avez échoué dans l’expression de ces émotions qui auraient dissipé l’énergie, il n’y a pas de raison que vous pensiez pouvoir faire mieux aujourd’hui. Inconsciemment, vous allez donc tout faire pour éviter d’y retourner. Et donc jouer au chat et à la souris avec votre thérapeute pour éviter qu’il vous y ramène. Par ailleurs, même si votre psychothérapie est un succès et que vous réhabilitez votre droit à rêver, ce n’est pas pour autant que l’énergie cristallisée de vos émotions refoulées se sera dissipée. Vous pourrez ainsi croire que tout est en ordre, et malgré tout avoir l’impression que «quelque chose ne va pas». En cours de consultation, en « lisant » énergétiquement votre corps (cela se fait en état de conscience modifié de type transe chamanique), l’histoire de tous vos refoulements va m’être contée. Je vais tomber sur votre traumatisme du chien, et en ravivant la mémoire, faire remonter l’émotion et vous inviter à la libérer. Une fois que c’est fait, non seulement votre peur « sans raison » (apparente) des chiens disparaît, mais vous vous retrouvez à rêver comme avant votre traumatisme. Pour moi, un système de croyances n’a pas d’existence concrète. C’est quelque chose d’abstrait et de subjectif (mais ça peut tout à fait vous empoisonner l’existence). Il s’élabore notamment suite à des événements mal vécus, dont la première incidence est un refoulement d’émotions. En même temps que des émotions sont refoulées, il est donné un sens, des valeurs aux événements, qui aboutissent à l’élaboration d’une ou des croyances. Travailler sur le système de croyances, c’est tenter une réparation à des lieues de la cause, c’est faire des aménagements dans un édifice dont les problèmes trouvent leur origine dans les fondations. Alors que libérer enfin l’énergie des émotions refoulées, c’est comme enlever les fondations : l’édifice des croyances limitantes disparaît de lui-même, en même temps que se dissipe l’énergie. Le patient se surprend subitement à avoir de nouveau des comportements spontanés, légers, qui sont le reflet de ses potentiels d’avant l’événement traumatique. C’est extrêmement naturel et écologique. Grâce à la médiumnité, pendant que je lis l’histoire des peurs, des tristesses, des colères refoulées, je sais très précisément ce à quoi pense le patient, et/ou ce qu’il en pense. Je perçois quelques fois une coupure nette entre ce dont il est conscient dans sa tête, et ce que raconte son corps. J’entends la position de chaque partie. Le corps, lui, est systématiquement heureux de mes découvertes, car c’est un peu comme s’il avait attendu des années pour que quelqu’un viennent entendre le message, vienne l’aider à se débarrasser de l’information. Je l’entends quelques fois me dire : « Et c’est seulement maintenant que tu arrives ? ». La tête, parfois, est hagarde, se demandant ce qui se passe, ou ce que je fais là, à contrecarrer ses stratégies de contrôle via lesquelles elle s’anesthésie des sensations / émotions contenues dans le corps. Alors, je verbalise les positions de chacune des parties, et le patient s’y reconnaît, parce que ça parle de lui, dans sa globalité, dans la complexité de tous ses vécus conscients et inconscients. La manière dont les choses sont exprimées, avec les attentes et objections des diverses parties, ça a un sens profond auquel il adhère pleinement. Ca recrée une unité de perception entre son conscient et son inconscient. De plus, le simple fait de verbaliser, c’est déjà libérer une part de l’émotion, qui s’exprime par ma voix. Ensuite, je guide le patient à retourner au centre de son émotion, à s’y noyer en abandonnant tout contrôle pour enfin se libérer totalement de la charge énergétique qui entrave son plaisir à vivre. Quelle différence entre ma pratique de psychothérapeute d’avant et mon travail chamanique d’aujourd’hui? Hier j’aidais les gens à reprendre le contrôle de leur vie afin de mettre en place de quoi être heureux; aujourd’hui je libère l’énergie de Vie cristallisée en eux et je les aide à s’y abandonner afin que ce soit la Vie qui s’exprime à travers eux, leur apportant bonheur et harmonie. Autre exemple : une femme qui vient d’être violée et qui se dirige vers un psy pour guérir de son traumatisme se retrouvera au bout de quelques mois - voire années – dans un état de survie, adaptée au monde : elle aura fait tout un travail sur le sens de son agression qui lui aura rendu un peu de liberté, mais la charge énergétique toujours présente dans son corps la poussera à s’acheter une bombe lacrymogène, un Doberman, et prendre des cours de karaté. Et quiconque s’approchera d’elle un peu trop près sera suspect, au nom d’une croyance du style : « tout contact physique est dangereux », ou « si on me touche, c’est pour me battre ». Or, pour bien vivre, l’organisme a besoin d’être touché, caressé, nourri de tendresse. Et ce besoin là ne sera plus rencontré, car même quand la personne pensera être libérée de sa croyance, ça restera un leurre tant que l’évènement sera toujours inscrit dans la mémoire cellulaire via les émotions refoulées : elle acceptera peut-être la caresse, mais ne s’y abandonnera pas. Selon mon approche chamanique énergétique, et suivant le principe physique d’action égale réaction, si elle s’est faite agresser, c’est qu’elle avait en elle une forme de violence. Ca peut provenir du fait que ne sachant pas poser de limite dans sa vie, cette incapacité est vécue comme une forme de violence envers elle-même. Et si elle ne sait pas poser de limites, c’est qu’elle a vécu des événements qui l’ont brisée à cet endroit, et pour lesquels elle n’a jamais pu libérer ses émotions, son ressenti (humiliation, manque d’amour, abandon, colère, ….). Je vais donc rechercher dans son corps là où se sont cristallisées les émotions en lien avec l’humiliation (ou la colère, …) d’avoir été soumise à une force extérieure, l’humiliation du viol n’étant qu’un rappel d’une humiliation bien plus ancienne. Et quand j’aurai trouvé, par un principe de médiumnité que je ne sais trop expliquer, je vais remettre du mouvement à cet endroit et libérer les émotions refoulées. Une fois les émotions exprimées, l’ardoise est effacée. Plus d’action, donc plus de réaction. La personne retrouve la joie de vivre, l’événement est effacé de sa mémoire corporelle, les croyances disparaissent, et elle peut à nouveau jouir du plaisir du contact physique, des caresses. Est-ce toujours aussi simple? Sur le plan du principe, oui. Ensuite, il y a le temps parfois nécessaire pour que la personne rassemble en elle les ressources suffisantes pour oser s’abandonner à l’expression de ses émotions refoulées. Ca peut prendre plusieurs mois, et cette phase peut se révéler pénible chez certaines personnes. Mais suite à la séance, conscient et inconscient communiquent à nouveau, ont une direction d’action commune, et vont œuvrer à la bonne fin des opérations. Il y a quelques fois également une décision que la personne doit prendre : si l’expression de sa colère trouve son origine dans sa relation au père, et que son éducation la paralyse dans un respect de son parent tel que toute colère à son encontre lui est interdite, elle doit d’abord comprendre la différence qu’il y a entre manquer de respect vis-à-vis de son père en l’engueulant d’une part et faire preuve de respect pour sa propre vie, pour sa propre santé, en se libérant de sa colère d’autre part. Ensuite, elle doit encore prendre la décision d’aller dans ce sens. Autant je peux remettre du mouvement là où c’est figé, autant je peux aider à dissoudre ce qui est cristallisé, autant je ne peux pas prendre de décision à la place de la personne. S’il lui est impossible d’envisager une autre manière de voir les choses afin de retrouver harmonie et paix dans sa vie, je ne peux rien forcer. Cela fait partie de son chemin, et elle mettra le temps nécessaire à ce qu’elle « âche» un jour ou l’autre. Généralement, cela se fait spontanément quand sa situation empire (maladie, accident, drame, …). A première vue, on pourrait croire que ce n'est rien d'autre que du psychocorporel. Eh bien, oui et non. Sur le plan du principe, c’est exactement la même chose. Sur le plan de la formation des intervenants, c’est tout à fait différent. On en revient à la comparaison entre un médecin et un guérisseur : le premier étudie des symptômes dans les livres, le deuxième fait l’expérience de la maladie dans sa vie. L’intervenant en technique psycho-corporelle va respecter, tout comme les psychothérapeutes, un principe selon lequel le patient sait le mieux ce qui est bon pour lui. Il va être « invité » à retourner à lui, à son histoire profonde. C’est la meilleure approche qui soit et la plus sûre pour le patient, tant qu’on est dans le cadre de l’apprentissage à l’occidentale. Mais personne n’est assez fou pour se tirer deux fois la même balle dans le pied. Donc, le patient – toujours inconsciemment - va soigneusement éviter d’aller droit au but. Il va opter pour des cercles concentriques de plus en plus rapprochés, mais qui peuvent mettre des années avant d’atteindre l’épicentre. Le chaman, grâce à sa médiumnité, va s’identifier au patient, vivre son histoire, et pouvoir le ramener à sa blessure d’origine en ligne droite ; et là, par transfert d’énergie, il va modifier profondément la mémoire corporelle du patient en apportant les ressources adéquates. A nouveau, je ne sais trop expliquer ces principes à la fois médiumniques et de transfert d’énergie, mais jamais cette manière de faire ne heurte la personne ou ne la met sur la défensive, même si, comme je l’ai dit plus haut, il faut parfois du temps pour que se rassemblent toutes les ressources nécessaires à l’expression des émotions refoulées. Quand je pratique de la sorte, j’ai chaque fois la sensation d’apprivoiser chez la personne la Vie qui a pris peur, de la prendre par la main, de la rassurer afin qu’elle ait à nouveau confiance pour s’exprimer librement. Je suis donc extrêmement interventionniste, mais dans un système de référence profondément écologique, au plus proche de la Vie, qui n’est pas accessible au cours d’une «formation» comme on l’entend de manière occidentale. |
Devenir un homme
La fonction libératrice des rites de passage (Génération Tao n°68 – mars 2013) Il n’y a pas si longtemps, les hommes et les femmes pouvaient encore se reconnaitre par identification aux tâches qui leur étaient dévolues, en particulier celles reposant sur les différences physiques et physiologiques entre les deux sexes. De nos jours, la répartition des tâches ménagères au sein d’un couple est aussi variée qu’il y a de manières d’organiser le quotidien en fonction de l’environnement familial, social et professionnel.
Côté travail, il n’y a quasi plus aucune sphère professionnelle qui soit l’apanage exclusif des uns ou des autres. Ce ne sont donc plus les tâches qui permettent de s’identifier à un genre sexuel. Nous n’avons plus non plus de rites de passage dignes de ce nom pour embrasser le destin de notre genre sexuel. L’ultime rituel organisé par la société sous couvert de devoir envers la patrie - le service militaire - a totalement disparu il y a quelques années. Dans les sociétés primitives, l’identité sexuelle est confirmée d’une part par la répartition stricte des tâches (qui revêt de surcroit un caractère sacré) et surtout, d’autre part, par le rite de passage de l’adolescence à l’âge adulte. Ces sociétés ont de tous temps organisé des rituels et des cérémonies afin de garantir le parcours psychique que doivent réussir garçons et filles pour entrer dans le monde adulte et prendre leur place en tant que femmes et hommes au sein de la communauté. Contrairement à la jeune fille qui se trouve confirmée « femme » par la nature lors de l’apparition de ses premières règles, le jeune homme ne reçoit rien comme signe de la nature. De plus, il a toujours vécu jusque là parmi les mères et les femmes qui étaient responsable de le nourrir et de l’éduquer. Pour en faire un homme, les mâles de la tribu vont devoir arracher l’empreinte de la mère inscrite en lui depuis sa naissance et lui faire vivre les épreuves relevant de la conquête de sa masculinité. Le rite revêt deux composantes : une a trait au fait d’amener à maturité l’identité sexuelle, l’autre a trait au fait de confronter le jeune homme à des épreuves dangereuses et douloureuses pour forger son courage d’affronter la vie dans son environnement. En cas de succès, la responsabilité de fonder une famille lui sera accordée. En cas d’échec, il vivra au ban du clan, ayant échoué dans l’obtention de la reconnaissance nécessaire à son intégration. Au cours de sa croissance, soumis à la force de sa libido, le petit garçon va vivre à la fois du désir pour sa mère (en mémoire du sein qui l’a nourri bébé, de la sensualité du contact peau à peau, du plaisir de ces premières étreintes avec la femme, du désir de retour à la fusion,…) et en même temps de la culpabilité liée à l’interdit de l’inceste accompagnée de la peur de la castration par le père qui s’interpose entre lui et sa mère. Ces deux composantes vont produire une tension intérieure où le désir et son interdiction peuvent se pervertir jusqu’à pulsion de viol et/ou en envie de meurtre, le tout habituellement profondément refoulé dans l’inconscient avec une intensité traumatique. Si désir et interdit d’inceste ne sont pas transformés par le rite de passage, hommes et femmes vont rester coupables toute leur vie de leurs désirs puisqu’ils vont projeter sans cesse le parent sur le compagnon / la compagne. C‘est pour se préserver des dangers de la perversion de l’énergie sexuelle que la communauté orchestre les rites de passage. Ceux-ci ont pour objectif de générer une quantité d’énergie psychique dont l’intensité doit à tout prix être aussi traumatique que les refoulements liés au désir et à l’interdit de l’inceste, et ce afin d’avoir une chance de les disperser : il faut un nouveau traumatisme pour se libérer du précédent. Par ailleurs, au vu de l’environnement souvent hostile dans lequel vivent ces communautés, la nécessaire manifestation du courage d’affronter la vie revêt aussi très souvent un caractère traumatique. En cas d’attaque de prédateur, même blessé, l’homme doit continuer à défendre sa famille tout en supportant la douleur - il lui faut donc faire la preuve de sa capacité à soutenir la douleur. Un rite de passage est un voyage initiatique. Et l’initiation, c’est mourir : mourir à l’enfant pour renaître homme. En Papouasie, les femmes vivent d’un côté du village, avec les enfants et les cochons et la volaille. Elles passent leur temps à éduquer les enfants et à préparer la nourriture. Les hommes vivent de l’autre côté du village et passent leur temps à chasser, à se battre avec les tribus voisines, et à jouer pour libérer leur stress. Le rite de passage de l’adolescent consiste à arracher l’empreinte de la mère qui se cache au fond de l’estomac. Cela se fait avec une liane courbée en deux brins, qu’un ainé enfonce dans le gosier jusqu’au fond de l’estomac. Pour réussir leur rite, les jeunes doivent s’entrainer longuement à affronter la peur (certains meurent des suites d’hémorragies) et à calmer les réflexes de vomissement pour arriver à avaler la liane. A l’issue du rite, ils quittent définitivement le lieu des femmes pour partir vivre avec les hommes, en face. Vue de notre point de vue d’Occidentaux dits « civilisés », la manière dont sont orchestrés ces rites nous parait souvent barbare et cruelle. Pourtant, on pourrait se poser la question suivante : si une communauté, au sein de laquelle ne se pose aucunement la question de savoir si on est un homme ou non, considère comme incontournable un rite de passage à caractère traumatique pour garantir l’accès à la maturité sexuelle et perpétuer l’harmonie sociale de la communauté, comment faisons nous pour nous en passer alors que nous vivons déjà dans une société en totale dérive au niveau de l’acquisition de notre masculinité ? A force de civilisation, nous avons abandonné des parts de sagesse de la vie contre des concepts intellectuels stériles. Bien sûr, nous ne risquons plus de croiser un lion en sortant de chez Carrefour, lion qui pourrait nous arracher un bras sans pour autant nous faire renoncer à défendre chèrement notre nouvel écran plat ! Bien sûr, nous n’avons plus à nous préoccuper de la sorte de notre intégrité physique au point de devoir vivre des rites de passages à haut risque afin de manifester notre courage de vivre. Mais le fait de ne plus risquer grand-chose pour notre santé physique n’implique pas que nous n’ayons rien à faire pour garantir notre santé psychique. De facto, ce n’est pas cette sécurité physique qui nous préserve de courir de plus en plus nombreux chez les psys, en mal d’identité masculine. Nous avons tous en nous, bien que souvent de manière inconsciente, la peur archaïque d’affronter le monde. La rémanence de cette peur est elle aussi le résultat de la défaillance des moyens que met la société à disposition des pères pour faire de leurs fils des mâles accomplis. Les propositions qui peu à peu affluent sur le marché du développement personnel pour « travailler son masculin », à défaut d’être une réponse adéquate à la disparition des rites de passage, manifestent cependant l’émergence de la conscience de ce manque. Malheureusement, ces propositions ne respectent quasi jamais la structure des rites de passages et n’orchestrent pas la part traumatique nécessaire à la transformation attendue. Dès lors, il n’en ressort souvent qu’un travail d’accumulation de ressources qui n’aboutit pas à une libération de traumatisme dans les profondeurs de la psyché. Mais c’est un début, peut-être un point de passage obligé… |
Transe médiumnique & Umbanda
(HOZHO n°8 septembre 2012) Introduction L’Umbanda est une religion afro-brésilienne qui vit le jour au Brésil, à Rio de Janeiro. Syncrétisme entre les traditions africaines amenées par les esclaves noirs entre le 16ème et le 19ème siècle, la religion chrétienne des colonisateurs européens blancs et les rituels des Indiens des forêts brésiliennes, l’Umbanda est née des pratiques spirites développées par le Français Allan Kardec au début du 20ème siècle. L’Umbanda a emprunté aux Africains le culte des Orixás (panthéon de dieux associés à la Nature et aux forces naturelles) apporté par l’ethnie yoruba et le culte des Ancêtres apporté par l’ethnie bantoue, aux Indiens locaux la Pajelança avec le culte de la Nature et ses rites animistes à composante chamanique, et à l’Eglise catholique romaine les valeurs de Charité et Amour du prochain. Le tout sur fond de philosophie spiritualiste (doctrine fondée sur l’existence, les manifestations et les enseignements d’Esprits), de réincarnation, de développement spirituel et d’évolution des âmes amené par le Kardécisme.
Pour l’Umbanda, la nature a ainsi une âme propre. Bien que d’apparence polythéiste avec ses nombreux Orixás, cette religion est monothéiste : Dieu est unique mais se manifeste sous diverses formes et expressions – les Orixás - dans tout ce qui nous entoure comme nature sur terre et dans l’univers. Il porte un nom différent selon la nation africaine à laquelle il est fait référence (Zambi, Olorum, ….) Tout au long des cérémonies religieuses (appelées giras) les prières se caractérisent par des chants, des danses et des percussions sacrées dans une ambiance festive de célébration du divin en toute chose. Au cours de ces giras, les initiés appelés "médiums" entrent en transe et incorporent une Entité (1*) - toujours la même en fonction du type de gira - qui utilise alors le corps et la voix du médium pour entrer en contact avec les personnes qui viennent la consulter. Par ses enseignements et les rituels qu’elle orchestre, elle fait profiter le consultant de sa sagesse et lui apporte aide sociale et spirituelle. (*) Entité est à comprendre dans ce contexte précis comme un Etre qui ne s’est plus incarné depuis longtemps, qui a atteint un haut niveau de développement spirituel et qui "descend" et prends corps dans le médium en transe afin d’amener la Lumière de la Connaissance au nom d’Oxalá (vibration équivalente à celle des grands maîtres tel Jésus-Christ ou Bouddha). Bien qu’ayant une identité propre relevant de critères très spécifiques, l’Umbanda se présente sous des formes variables, résultat de la personnalisation de chaque Casa de Umbanda (centre de culte, appelé Maison d’Umbanda ou encore Temple) par le prêtre chef du culte – le Pai de Santo - et ses Entités. De ce fait, ce qui suit, au delà d’un tronc commun à toutes les Casas de Umbanda, est le reflet de mes expériences vécues et enseignements reçus au sein d’une seule et même Casa de Umbanda depuis 1994. Pratique Au regard de l’Umbanda, un Orixá est une force vive et brute de la nature, sans particulièrement de conscience. Dans les cérémonies d’Umbanda, les initiés sont appelés à incorporer non pas les Orixás (comme c’est le cas dans le Candomblé – autre religion afro-brésilienne) mais les Entités en lien avec les Orixás. Là où l’Orixá est considéré comme une force, l’Entité est considérée comme la conscience associée à cette force. Ainsi, le chemin dans l’Umbanda est un chemin de développement de conscience spirituelle. Pour l’Umbanda, la Bible, le Livre Sacré de la parole de Dieu, c’est la Nature. C’est par Elle et par les voies de la perception qu’on entre en contact avec le divin et que peut se faire l’expansion de la conscience spirituelle. Au fil d’un parcours initiatique qui prend des années, l’initié développe sa médiumnité d’incorporation et apprend petit à petit, en état de transe, à laisser s’effacer sa propre conscience au profit de celle Lumineuse de l’Entité qui cohabite en lui et « prend les commandes » pendant le temps de l’incorporation. Quand l’initié a atteint un certain degré d’initiation et de développement philosophique, médiumnique et ritualistique, il est à même de permettre à l’Entité qu’il incorpore d’être consultée par les personnes de l’assistance venues à la gira. Fréquemment, au cours de ces consultations, l’Entité va travailler avec des plantes spécifiques afin de produire des changements dans la vie de la personne. Dans l’Umbanda, on parle beaucoup du champ magnétique qui entoure la personne. C’est là, entre autres, que se fixent les déséquilibres, les dysharmonies, les pollutions vibratoires responsables, aux yeux des Entités et de la tradition, de ce dont se plaignent les personnes au cours des consultations. Les plantes sont alors utilisées pour nettoyer ce champ magnétique, soit sous forme de bate-folha au cours de la gira (l’Entité « bat » le corps de la personne avec des branches de menthe, d’eucalyptus, de basilic, ….pour ramener à la terre qui les absorbe les décharges énergétiques), soit sous forme de bain spirituel que la personne fait chez elle dans le cadre d’un petit rituel (elle fera entre autre bouillir de l’eau avec les plantes prescrites et, une fois la préparation tiédie, se la versera sur tout le corps). Contrairement à certaines traditions chamaniques où des plantes sacrées, (racines, lianes, cactées, champignons, …) sont ingérés par le chaman pour atteindre l’état de transe qui ouvre à la perception des déséquilibres et autres besoins de soin chez le requérant, c’est par le biais de la transe médiumnique et le contact avec l’Entité que cet état est atteint dans l’Umbanda. Les plantes sont uniquement destinées à usage externe et utilisées à des fins de nettoyage, de purification et/ou de bénédiction sur la personne qui elle reste dans un état de conscience « normal ». Dans le cadre de ma pratique d’Umbanda, je suis amené à régulièrement incorporer 8 Entités différentes. Je vis donc de la sorte 8 manières différentes d’être en état de perception élargie. En tant qu’Européen, ingénieur de surcroit, dès le départ je n’ai pu m’empêcher de raisonner sur ce que l’Umbanda appelle Entité. Pour CG Jung, Dieu relève d’une expérience intérieure et non de quelque chose à l’extérieur de soi. Pour Carlos Castaneda, changer d’état de conscience, c’est faire se déplacer le point d’assemblage de notre œuf lumineux. Dès lors, peut-être que quelque part, incorporer une Entité de Lumière extérieure à soi est équivalent à déplacer son point d’assemblage, entrer en relation avec différentes parts de Lumière en soi et les mettre en expansion dans la transe, les parts de Lumière connectées variant avec la spécificité vibratoire de la transe ? Toujours est-il qu’en dehors et indépendamment du cadre strict des cérémonies d’Umbanda où j’incorpore les Entités en lien avec cette tradition, ma longue pratique de transe chamanique médiumnique m’a conféré des facultés de connecter aisément de multiples états différents de transe et de perception élargie, perception que j’ai eu l’occasion de confronter à diverses reprises avec des amis chamans de traditions très différentes. Au cœur du chamanisme, il y a la perception de la réalité, dépouillée de l’interprétation subjective de laquelle l’homme est prisonnier : en effet, tout être humain en état de conscience normale réduit et interprète la réalité en fonction de son histoire, des événements qu’il a traversés, des émotions qu’il a refoulées, des traumatismes qu’il a vécus. En fonction de sa trajectoire de vie, il filtre, censure et donne inconsciemment du sens subjectif à toute situation de vie rencontrée. Le fait d’être au courant de cet état de fait n’y change rien. Nous ne pouvons avoir prise sur notre inconscient. Nous pouvons juste oser le retour vers sa source, mais comme le dit C G Jung, la confrontation avec l’inconscient est dangereuse pour l’équilibre psychique et demande un investissement considérable. Ainsi, l’accès à la réalité passe, pour les chamans, par la transe chamanique. En fonction de la tradition, la réalité se manifeste dans la transe par le biais de symboles communément partagés au sein d’une même cosmogonie. Mais quelle que soit la tradition, quel que soit le type de chamanisme, au delà du symbole il y a la même réalité pour tous. C’est par là que les chamans se reconnaissent entre eux, par le partage de cette réalité à laquelle ils ont accès. En ce qui me concerne, parmi les différents type de transes et de perceptions, il y en a une qui me permet, en touchant une personne pendant une dizaine de seconde, d’avoir accès à son désordre psychique dû aux refoulements accumulés au début de sa vie et qui conditionnent inconsciemment son quotidien, entre interprétations subjectives de la réalité et projections diverses. Dans mon cas, vu ma culture et mes connaissances psychologiques, la traduction et l’interprétation de mes perceptions sont souvent présentées de manière jungienne. Mais la même réalité de chaos chez une personne consultant lors d’une gira prendra la forme, le cas échéant, de besoins d’ajustement avec Ogum, Xango, Iemanja, Oxum, Oxalá etc…. Dans la tradition des Sangomas en Afrique du Sud, ce sera par le biais des états d’âmes de certains Ancêtres ; en Amazonie, ça passera par la rencontre éventuelle avec l’esprit de l’Anaconda. C’est ainsi que lors d’une cérémonie en Amazonie, un chaman, en contact avec la réalité grâce à son ayahuasca, a vu que j’avais le pouvoir de guérir sa femme qui souffrait de douleurs irradiant dans tout le corps et pour lesquelles il n’avait trouvé aucun remède jusqu’alors. Dans ses visions, je venais d’arriver comme le remède tant attendu. A sa demande, j’entrai moi-même en contact avec la réalité de son épouse, par le biais de ma transe chamanique médiumnique, et apportai les soins requis. Tout comme celles provoquées par l’absorption de plantes sacrées, la transe chamanique médiumnique permet de vivre, de percevoir, la réalité de l’autre sur les plans psychologique et spirituel, au-delà de toutes les informations subjectives que la personne peut donner d’elle-même en espérant partager son vécu. Il est bien sûr particulièrement difficile de tenter de traduire l’universalité du chamanisme en quelques lignes, en jetant rapidement l’une ou l’autre passerelle entres les traditions afin d’appréhender la réalité au delà des folklores locaux, mais si le sujet vous intéresse, je vous invite à lire mon dernier livre Explorations chamaniques où vous trouverez notamment tous les détails de cette cérémonie de guérison en Amazonie, ainsi que bien d’autres. 1* Entité est à comprendre dans ce contexte précis comme un Etre qui ne s’est plus incarné depuis longtemps, qui a atteint un haut niveau de développement spirituel et qui "descend" et prends corps dans le médium en transe afin d’amener la Lumière de la Connaissance au nom d’Oxalá (vibration équivalente à celle des grands maîtres tel Jésus-Christ ou Bouddha). |